Toutes les entreprises Françaises appelées à exposer à l’étranger se posent la question : Pourquoi les salons français sont chers ?
Plus précisément, pourquoi le coût de participation aux salons est il plus cher en France qu’à l’étranger et ce, indépendamment du coût du déplacement ?
Autre question, pourquoi les grands salons mondiaux sont ils généralement à l’étranger, tel le CES de Las Vegas, l’E3 à LA, le CEBIT à Hanovre ou l’IFA à Berlin ?
Encore plus douloureux, pourquoi la France perd des salons internationaux au profit de ses voisins Européens ?
Pourquoi les salons français sont chers ? Le cas du Mobile World Congress
Cela a été notamment le cas du Mobile World Congress, le plus grand salon mondial sur la téléphonie mobile.
Organisé par l’association GSM, qui regroupe plus de 1000 entreprises liées à la téléphonie mobile, dont près de 900 opérateurs ! Autrefois, ce salon prestigieux se tenait à Cannes, dont le Maire de l’époque, Bernard BROCHAND, un de mes proches, fut très fier.
L’explication officielle sera sans doute de dire que les capacités des parcs ne permettent pas de les garder compte tenu de leur expansion.
C’est bien entendu partiellement inexact, les seuls parcs de VIPARIS totalisent plus de 500.000 m2 d’exposition à Paris.
Alors, pourquoi les salons sont-ils plus chers en France ?
L’explication première est économique :
Prenons le modèle Allemand, très similaire au modèle Espagnol ou aux autres modèles Européens et mondiaux. Les parcs appartiennent souvent selon le cas soit à l’Etat, soit aux Länder (l’équivalent de nos régions) soit aux villes. Et si ce n’est pas le cas, ils sont aidés par les mêmes institutions.
En France les parcs appartiennent, ou sont gérés, pour la plupart par des groupes privés, VIPARIS avec UNIBAIL en région Parisienne, GL (Générale Location) plutôt en province.
Il est bien évident que ces sociétés privées sont dans une logique de rentabilité sur leur parc locatif et de remontées de résultats sur leurs actionnaires, ce qui est légitime.
Le groupe UNIBAIL RODAMCO, il faut le savoir, est le n°1 au monde de l’immobilier commercial, avec non seulement des espaces d’exposition mais surtout des centres commerciaux. Ce sont donc des entreprises pour lesquelles la rentabilité du locatif est une priorité et n’est pas concerné par l’économie globale qu’un salon peut générer.
Chez nos voisins, comme dit plus haut, les parcs appartenant à l’état, les régions ou les villes, le raisonnement se fait de plus en plus global.
En effet quand une ville accueille un salon de taille, c’est toute l’économie locale qui en bénéficie : Commerces, hôteliers, restaurants, etc.
Donc les propriétaires exploitants des parcs d’exposition et palais des congrès doivent s’attacher à calculer les enjeux globaux.
Ceci conduit bien entendu à faire des prix très attractifs en locatif pour les salons qui souhaitent s’implanter.
Par exemple, le Mobile World Congress qui se tient à présent à la Feria de Barcelone draine près de 90.000 visiteurs ! Imaginez les retombées sur l’économie locale …
Pourquoi les salons français sont chers ?
Cette situation ne risque pas d’évoluer favorablement car on voit mal, mis à parts quelques cas isolés en province, des municipalités racheter des parcs pour créer du flux et donc une économie locale.
Mon humeur du jour … ,-(
Pour le retour des grands salons internationaux en France !
Subsidiairement : La perception de la France à l’international
Bien que cela semble à priori hors sujet sur le présent développement de l’aspect économique, il faut néanmoins évoquer l’autre « sujet qui fâche » à l’international.
Quoi que … finalement les conséquences financières là aussi ont un impact sur les organisateurs, exposants et visiteurs étrangers, nous allons le voir.
Mon parcours à l’international tant en Europe qu’aux USA me rappelle toujours quelques aspects douloureux de la perception de notre pays qui ne manque pas de m’être opposé.
Le sujet le plus important est la récurrence des grèves dont l’effet est double :
Sur la tenue du salon et sur la fréquentation visiteurs.
L’organisateur, les exposants et les visiteurs à l’international considèrent toujours l’option France comme une option à risques multiples.
Les questions récurrentes sont notamment :
- Le salon aura t-il lieu ?
- Si une grève se déclenche et même si le salon est maintenu, les visiteurs viendront ils ?
- Si les compagnies aériennes ou les transports en général sont affectés pourrai-je m’y rendre ? Et mes produits à exposer ? Et les visiteurs, nos prospects, ceux qui feront notre R.O.I ?
- Pourrai-je en cas d’annulation, me faire rembourser les frais induits (Avion, hôtels, etc …)
- Existe t il une assurance pour nous couvrir ?
Bien entendu pas de réponse rassurante. Quand aux assurances dans ce domaine elles ne sont pas applicables.
Il est donc évident que si le choix se propose dans la sélection de salons, des pays avec une stabilité sociale moins imprévisible sera choisie en priorité.
Un pays avec des syndicats capables de les bloquer n’est plus une option évidente.
Le second écueil est bien entendu lié au coeur du sujet : L’économie globale salons.
A l’international, la cohésion des destinations, des lieux et des salons avec l’économie locale décrits dans ce texte on un effet très important sur la globalisation de l’offre.
Je reviens tout juste de Münich, où j’ai pu, sur un simple clic obtenir mon badge, mon ticket de transport depuis l’aéroport, mon hôtel, ma sélection de restaurants.
En France ce service global manque dans la plupart des cas (Sauf dans certains rares salons à l’envergure internationale).
L’exposant tout comme le visiteur apprécie ce package assuré par la cohésion destination / lieu / organisateur.
Même expérience à Las Vegas pour le CES.
Le troisième écueil réside dans l’expérience client étranger en France.
Nous avons la réputation de ne pas être à l’heure et de faire preuve d’une certaine désinvolture.
A l’ouverture du salon, il est fréquent de constater que plusieurs stands sont toujours en phase d’installation et qu’ils ne sont donc pas prêts à accueillir le client.
Ce dernier a pourtant un planning chargé et chaque minute compte !
Pire, l’installateur est toujours entrain de faire les finitions sur la moquette, le loueur de mobilier de terminer ses livraisons.
En revanche, une heure avant la clôture du salon certains exposants indélicats commencent à remballer alors que les visiteurs, leurs prospects sont toujours dans le salon.
Subitement nous voici préoccupés par l’heure ?
C’est un manque de respect pour le visiteur qui vient de loin et un manque total de vision sur le retour sur investissement, le coût visiteur, le coût contact.
Ces sujets sont largement évoqués dans le volume 2 : « Participer avec succès à un salon. »
Voilà l’image que nous donnons hélas à l’international !
Notre sympathique tempérament « latin » ne pardonne pas tout et ce laisser aller est très mal perçu par ceux qui veulent investir dans le média salon Français.
Ne stigmatisons personne en particulier cependant, plutôt le système, tel que nous le décrivions plus haut.
Si le coût du locatif n’était pas si élevé, peut être que les organisateurs auraient la possibilité d’agrandir les plages de montage et de démontage, donnant une chance aux installateurs, prestataires et exposants d’être à l’heure ?
C’est bien notre sujet, on y revient donc dans cette parenthèse !
Pourquoi les salons français sont chers ? : La double peine
Si les parcs sont chers car le système Français n’apporte pas d’aide aux organisateurs via les villes ou les régions comme on vient de le voir plus haut, ne chargeons pas trop les sites, ils ont leurs obligation de rentabilité bien compréhensibles.
Changer tout le système n’est pas envisageable, l’économie du segment foires et salons et ainsi bâti dans notre pays et la nationalisation, la régionalisation ou la municipalisation des parcs d’exposition ou palais des congrès n’est pas à l’ordre du jour.
Bien au contraire, on a pu remarquer que de nombreuses municipalités ont donné les clés de leurs sites au secteur privé, notamment à GL EVENTS dans de nombreuses grandes villes de province.
C’est en fait une excellente chose quand on y pense, car géré par des professionnels aussi organisateurs de salons leur expérience bénéficie à toute la filière.
Mais cela aura un coût.
En effet, un groupe, dont le métier s’exerce à 360° sera rapidement tenté de maîtriser toute la filière interne au site.
Dans un premier temps les prestations dites « du parc » , ce qui est justifiable pour des raisons de sécurité des lieux.
Donc dès lors qu’un site se réserve des prestations concessionnaires comme la distribution électrique ou l’eau, on peut le comprendre, s’il n’y a pas de dérive tarifaire entre le coût, moyens humains inclus et le prix.
Si non on peut considérer que c’est un complément de locatif.
C’est tout à fait justifiable aussi en terme d’élinguage, car on touche à la structure même du site et par ailleurs la pose nécessite des engins dont il vaut mieux laisser l’exclusivité aux caristes du site.
En revanche quand cette « élingue » est un petit fil de pêche pour suspendre un cadapac, on dérape un peu. Mais admettons, la règle c’est la règle et dès lors qu’on introduit des exceptions la gestion devient problématique.
C’est également parfois justifiable par exemple pour le nettoyage quand le site impose sa société pour des raisons techniques valables.
La Grande Halle de la Villette par exemple car c’est une garantie de sauvegarde pour ses précieux parquets.
Aussi pour le gardiennage car il s’agit d’un point sensible de la sécurité générale du site, que seul une société résidente et concessionnaire peut assurer avec maîtrise.
En revanche, c’est moins justifiable pour des prestations comme la distribution de réseau informatique. Tout le monde mesure aujourd’hui la part gratuite d’internet, mis à part le coût de base du FAI. Les routeurs wifi quand à eux sont d’un coût dérisoire.
C’est là le début du débordement : Interdire dans un site à un exposant ou un groupe d’acheter un accès ADSL et de créer son propre réseau wifi, pour des raisons techniquement sans fondement.
Là où cela déborde carrément, c’est quand un site impose son installateur général et son tapissier (généralement lui même), son mobilier, son matériel et ses prestations audiovisuelles à un tarif souvent exorbitant.
Pire, dans certains cas l’organisateur ne peut garder son agence d’hôtes et d’hôtesses habituelles, car le site impose les siennes.
On est même limite sur les règlementations de marchandage.
J’ai connu la situation à Strasbourg, à Lyon et ailleurs où mon client souhaitait garder ses hôtesses qui maitrisaient parfaitement le fonctionnement du congrès et surtout connaissaient les principaux acteurs, orateurs et intervenants ce qui était un atout majeur.
Enfin, là où ce dispositif devient inacceptable, c’est dans l’obligation de passer par le traiteur du site, même pour les plateaux repas ou les sandwiches des organisateurs et des exposants.
Le motif affiché est la sécurité sanitaire.
On ne comprend pas de ce fait en quoi tel ou tel traiteur, connu et établi, offrirait une sécurité sanitaire moindre.
Mais le subterfuge est rapidement découvert dès lors qu’on autorise votre traiteur à intervenir moyennant une rétrocession de 25% sur le chiffre d’affaires.
Le seul cas où le traiteur concessionnaire peut être justifié, c’est qu’il a la charge de l’entretien des salles blanches.
Mais on est bien d’accord que cela ne touche pas les plateaux repas et sandwicheries. Encore moins les food trucks.
Donc, sur ce point de la double peine, je serais tenté de proposer que la prestation imposée par le site pour favoriser les entreprises de son groupe serait acceptable :
- A prix égal
- A compétences et services égaux.
C’est un pré-requis à minima à mon sens …
Et la plupart des organisateurs le partagent.
Pourquoi les salons français sont chers ? : Les prestations concessionnaires
Mon expérience internationale, en Europe et en Amérique, plus particulièrement mes expériences en Allemagne, Italie, Espagne et Royaume uni lors de participation dans des salons dans ces pays, m’ont permis de voir comment étaient traités les sujets hors de l’hexagone.
D’autres expériences outre atlantique, USA et Canada me conduisirent au même constat.
Le bornier électrique et sa consommation sont considérés comme un service à rendu à l’organisateur et à l’exposant.
Dans de nombreux cas il est donc inclus dans la prestation à l’organisateur et aux exposants.
Dans le cas où il est loué, matériel et consommation, il est réalisé à prix coûtant.
En France on arrive à des prix exorbitants.
Un montant avoisinant 500 euros pour une dotation de base de 1 à 3 Kw est courante. Et ce montant est surtaxé si vous souhaitez un raccordement permanent (indispensable pour les réfrigérateurs notamment).
On comprend vite si on fait un calcul rapide d’un raccordement moyen à 4 ou 5Kw à 750 euros HT, qu’un salon moyen de 300 exposants génère un chiffre d’affaires de 225.000 euros.
Disons le tout net, on doit considérer cela comme un complément de locatif, une taxation des organisateurs et des exposants qui aggravent à juste titre leur mauvais jugement des pratiques en France.
Le CA annuel d’un groupe de parcs Parisiens sur la fourniture de borniers électriques s’élève à 50 M€.
Le prix de revient étant relativement faible (Borniers amortis et consommation faible) il ne reste que les coûts RH du personnel du parc dédié à cette fonction et donc la marge nette dégagée est de 75%.
75% de 50 M€, cela représente 37,5 Millions d’euros.
CQFD
Anecdote : Un installateur de stands eut l’idée d’inclure dans les banques d’accueil de chacun d’entre eux des batteries capables de les alimenter en électricité pour la durée de la location. Après le salon, les banques étaient rechargées pendant le stockage. Le coût pour l’exposant était divisé par 4.
Les parcs ont interdit le dispositif pour des raisons de … sécurité ,-)